La Place de l’étude livresque en magie

Arnaud THULY mai 2, 2019 3
La Place de l’étude livresque en magie

Chaque semaine, je reçois pas moins d’une centaine de questions par mp, que ce soit sur le blog, par email ou même directement sur facebook (vous êtes des fous smiley-visage-effraye-1F631 ).
Parmi toutes ces questions, certaines reviennent très fréquemment, et une tout particulièrement : quelle place accorder aux livres dans sa pratique magique ? (vous noterez l’ironie de poser cette question à un auteur et éditeur emoji-larmes-de-joie-whatsapp-1F602 )

Commençons tout d’abord par une pointe d’objectivité : Il existe une iiiiiiinfinité d’avis sur le sujet. Certains considèrent que seule la pratique compte, d’autres considèrent que seule la partie livresque a de l’importance. Bon, vous vous en doutez, la vérité n’est jamais dans les extrêmes mais se situe très certainement un peu entre les deux.
Histoire de m’épargner la peine de répondre encore 1000 fois à cette question, j’ai donc décidé d’en faire un petit article en exposant les chiffres que je conseille et pourquoi je le fais. Il va sans dire qu’il ne s’agit là que d’un avis qui m’est propre, et qui n’est que le reflet de mon propre parcours et de mon propre cheminement.

Il va évidemment de soi que tout va dans un premier temps dépendre du chemin que vous souhaitez poursuivre. Si votre objectif se limite à faire quelques petits rituels et quelques petites protections une fois de temps en temps, consacrer son temps essentiellement à la lecture sera bien suffisant. Un temps qui de toute façon sera restreint. C’est ce que j’appellerais un intérêt de principe. C’est tout aussi vrai pour des gens qui ne s’intéressent qu’à l’aspect théorique, pour connaître l’histoire ou simplement s’instruire sur une autre vision du monde.
Il ne saurait en être de même pour quelqu’un qui se destine à explorer en profondeur le sujet et dont l’intérêt veut se traduire par de la pratique concrète.

Etats des Lieux

Certains suggèrent régulièrement qu’ « un vrai mage » devait passer au moins 60% de son temps dans l’étude littéraire, et les 40% restants dans la pratique, en comparant l’ensemble au travail d’un archéologue qui passe beaucoup de temps à l’étude avant d’aller faire des fouilles. En soi, ce n’est pas nécessairement un mauvais chiffre (si tant est qu’il soit réellement respecté, a fortiori par ceux-la même qui le suggèrent emoji-roule-yeux-1F644), d’autres ayant des suggestions beaucoup moins bien réparties. Et objectivement, c’est un chiffre qui s’inscrit assez bien dans la tendance générale moderne.
Une tendance qui, admettons-le, est avant tout celle du paraître. Chacun cherche à donner une meilleure image de lui-même et à se faire passer pour ce qu’il n’est pas forcément, les réseaux sociaux ayant tendance à renforcer ce phénomène.
Pseudos « sorcières de générations en génération » qui viennent en réalité de s’y mettre parce qu’elles ont regardé « Sabrina » ou lu un livre sur la sorcière féministe, « Experts » auto-proclamés après avoir lu 2 livres sur le sujet, « Grands mages » qui copient les écris de leurs prédécesseurs en se les attribuant histoire de gagner facilement en notoriété, « Spécialistes » de 60 ans qui s’y sont en réalité mis à 59 ans, etc etc etc.
Et dans cette perspective, il est beaucoup plus simple d’étaler sa culture que son expérience (étant a fortiori plus simple là aussi de faire passer sa culture (ou ses croyances) pour du vécu et de l’expérience… ça aussi c’est très à la mode sur les réseaux sociaux).

Si par le passé nous avions pour coutume de dire que l’Astral est un plan d’illusions, force est de reconnaître qu’aujourd’hui, le plan physique l’est devenu tout autant…

levitation-grande-illusion

Bref.

Si les livres ésotériques offraient tous un véritable savoir et un véritable contenu, fondé sur une recherche concrète, une vraie pratique de l’auteur, correctement orientée et d’où découlaient donc des conclusions avisées ou au minimum des éléments concrets de compréhension (à la manière des anciens textes parlant de tel ou tel évènement historique, pour reprendre l’exemple de l’archéologue), j’adhèrerais très certainement à de tels chiffres, mais la réalité n’est pas celle là. Elle en est même loin. Très loin…

80 à 90% des ouvrages (anciens comme modernes) que l’on peut trouver dans la plupart des librairies n’ont pas été écrits par des vrais praticiens (je veux dire des gens qui pratiquent vraiment, parce que bon, le nombre de gens qui se revendiquent praticiens sans l’être vraiment hun…), et n’offrent rien de plus que du dogmatisme (religieux ou non) caché sous telle ou telle tradition, telle ou telle croyance, et engendrent davantage de perdition qu’ils n’apportent de lumière, même s’ils se prétendent parfois auréolés.

comment_81114_attachment_images_1Comme j’aime à le répéter en permanence, il est indispensable de rester extrêmement prudents sur les enseignements que l’on peut trouver dans les livres (à commencer par les miens), et de ne pas croire qu’au prétexte de leur ancienneté ils valent davantage que les écrits modernes dont on a de cesse de dénoncer les dérives. J’avais il y a longtemps de cela critiqué dans les grandes largeurs la plupart des écrits des auteurs de la société théosophique, et notamment de l’un de ses représentants les plus connus « Charles Webster Leadbeater », qui nous avait pondu des ouvrages dignes des pires syncrétismes new-age modernes (dont il est l’un des précurseurs d’ailleurs) et qui clairement n’avait pas dû passer plus de 5 minutes à pratiquer réellement dans sa vie.
Pourtant, il s’agit d’ouvrages du 19ème siècle, à une époque où l’on pourrait penser qu’il y avait un peu moins de diffusion littéraire, et donc une meilleure sélection (alors que dans les faits, quand on étudie un peu les principes éditoriaux de l’époque…………….).

Que néni.
Ne vous laissez pas duper, la plupart des époques ont eu leurs charlatans et leurs plagieurs, qui recopiaient avidement les travaux d’autres occultistes en les dénaturant au passage, en prenant ce qui leur plaisait et en délaissant ce qui leur plaisait moins, et en sortant au final un résultat basé sur rien d’autre que leurs propres conceptions idéologiques et non sur la pratique. La plupart des grands noms que vous pourriez citer en font partie, probablement sans même que vous ne le sachiez. On pourrait m’opposer que dès lors, à la manière des anciens récits historiques, ils contiennent quand même une part de vérité.
C’est chose vraie. Parfois. Mais à l’inverse des témoignages historiques qui relatent malgré tout des faits, parfois réarrangés et réinterprétés de manière très… disons… libre…, il est courant que les livres ésotériques ne relatent que des rêveries et des fantasmes. Combien d’auteurs se sont levés un matin en se disant « tient j’ai une idée » et de la retranscrire dans un texte, balayant toute critique à l’aide de cette fameuse phrase magique « c’est une révélation » ou « mon intuition me le dit », là où c’est surtout la paresse intellectuelle qui parle…
Et on a beau le relayer pendant 500 ans, de la merde restera toujours de la merde.
Combien d’auteurs recopient ce que d’autres ont pu dire par le passé sans faire de tri réel et objectif, en s’épargnant ainsi tout réel travail et en s’attribuant tout le crédit, quitte à propager encore et encore les mêmes bêtises ? Combien d’auteurs modernes écrivent à la chaîne des ouvrages sur l’astral, les annales akashiques, les mondes de lumières, les anges etc. sans avoir aucune réelle pratique derrière, laissant simplement courir leur plume, portée par leur imagination comme le font également tous les auteurs de science fiction ou de fantasy, sans pour autant qu’on leur donne du crédit sur la réalité de leurs écrits ? (L. Ron Hubbard étant l’exception qui confirme la règle à ce niveau…)

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Si tous les livres ésotériques offraient un contenu de qualité, disais-je, alors oui, clairement 60/40 en lecture serait un ratio très pertinent, qui pourrait même passer à 70 voire 80, car la pratique serait facilitée par les écrits, et orientée dans le bon sens, en permettant d’éviter certains pièges et en donnant les clés permettant de dépasser les difficultés que l’on peut rencontrer dans la pratique.

134Mais vous vous en doutez, la réalité est bien loin de tout ça. La majorité des livres n’apportant rien de plus qu’un aspect théâtralement religieux, dans lequel on a apposé des entités, des rites, de l’occultisme souvent bas de gamme et pas mal de fantasmes afin de créer une forme de discipline plus ou moins nouvelle ou au contraire, plus ou moins « traditionnelle ».
Cela revient à dire que sur 10 livres que vous allez lire, 8 ou 9 ne vous seront d’aucune utilité réelle. Pire, sur ces 8 ou 9 livres, 3 ou 4 ont même de très fortes chances de vous orienter en plein dans des âneries et dans des pièges (celui qui n’a jamais expérimenté réellement ne connaît rien des embûches réelles d’un vrai praticien), de vous transmettre de mauvaises habitudes voire, pire encore, de vous coller des œillères et de vous enfermer dans un paradigme idéologique qui vous empêchera d’avancer correctement. On ne compte plus les « Mages de Bibliothèques » (qu’ils soient ou non « traditionalistes ») enchaînés dans des certitudes mal placées, fruits évident de leur manque de pratique réelle et de leurs œillères.

Les livres sont-ils le mal alors?

Non clairement pas !
Ils sont souvent la porte d’entrée qui vous permet d’accéder à un univers que vous ne faites souvent que toucher du doigt, et parfois ils vous offrent une clé pour vous permettre d’avancer là où vous étiez resté bloqué. Mais il est important, essentiel même, de comprendre que c’est par la pratique et le travail qu’il est possible d’avancer correctement en triant le vrai du faux. Dans nos disciplines, celui qui ne lit presque rien peut potentiellement aller beaucoup plus loin que celui qui passe son temps à lire. Mais le premier aura constamment la sensation de ne rien connaître (et il aura raison) alors que le second aura toujours l’impression de tout savoir, alors qu’il ne comprendra rien du tout en réalité.
C’est toute la différence entre le Savoir et la Culture.

J’ai la chance (et la tristesse en même temps) d’en connaître l’un des plus dignes représentants. Une personne pour laquelle j’ai néanmoins énormément d’affection, que j’ai connu alors qu’il n’était qu’un tout jeune adolescent et qui, déjà à l’époque, lisait énormément. Trop, surement. Aujourd’hui, 15 ans plus tard, il est devenu un véritable puit de culture ésotérique… mais il est incapable de se rendre compte que sa culture ne vaut rien au-delà des apparences, parce qu’il n’a jamais pris la peine de confronter ses connaissances à la réalité concrète de la pratique, qui l’obligerait certainement à dégrossir 95% de ce qu’il a appris et de ce qu’il tient aujourd’hui pour vrai, préférant de loin garder des œillères et stigmatiser tous ceux qui ne pensent pas comme lui.

Conclusion

Bref, pour un praticien en magie qui a pour objectif de vraiment explorer sa discipline, l’idéal reste je pense de partir sur un ratio pertinent d’au minimum 50% livre / 50% pratique, et même 40% livre / 60% pratique, avec une nette augmentation de la pratique au fil des années au détriment de la lecture. Ainsi, s’il est naturel pour un débutant de consacrer 40 à 50% de son temps à l’étude des livres, un praticien avancé devrait n’y consacrer que de l’ordre de 20% (hors du seul plaisir personnel de l’acquisition culturelle) de son temps, les sentiers qu’il suit étant obligatoirement peu à peu défrichés par ses propres soins, chacun d’entre nous suivant obligatoirement un sentier qui lui est propre (à moins d’être un mouton).

Je sais que mon propos a de quoi surprendre, étant moi-même auteur et éditeur. Mais je ne fais pas partie de ces gens prêts à vendre leur âme dans le seul but de vendre quelques bouquins de plus. Un livre est là pour aider à trouver le chemin, et parfois pour aider à ne pas trop se perdre, mais pas pour suppléer à l’expérimentation personnelle et à la pratique.

N’oubliez jamais que l’expérimentation est le SEUL, et je dis bien LE SEUL moyen de trier le vrai du faux dans cette jungle de l’ésotérisme, des théories des uns et des autres, des certitudes mal placées et des croyances tout aussi mal placées.
Croire que la vérité est dans les livres au prétexte que tous les auteurs sont censés être honnêtes revient au même que de croire que tous les politiciens sont honnêtes au prétexte qu’ils ont été élus…
Une phrase qui dans le principe à de quoi laisser plus que songeur… (d’autant qu’il est courant que les politiciens aussi écrivent des livres emoji-larmes-de-joie-whatsapp-1F602emoji-larmes-de-joie-whatsapp-1F602emoji-larmes-de-joie-whatsapp-1F602)

3 commentaires »

  1. Marie-Véronique Lechêne Vendredi 3 mai 2019 à 8 h 50 min - Reply

    Article très pertinent.
    On peut avoir lu tous les livres parlant de natation, de toutes les techniques permettant de nager vite, très vite. On devient alors un expert, et on connait tous les principes techniques de la natation… Mais même avec des centaines de bouquins bien rangés sur une étagère, si on a jamais foutu les pieds dans l’eau : on ne sait pas nager !

    • Arnaud THULY
      Arnaud THULY Vendredi 3 mai 2019 à 10 h 36 min - Reply

      Merci pour cette métaphore que je trouve extrêmement parlante !

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